Archives de novembre 2014

Ludo   39 comments

Vieux bistrot.

Quand j’étais tout gosse,

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mon grand-père, quoique parisien de naissance, habitait la campagne. Je dis la campagne.. à l’époque, oui.. un petit patelin près de Melun.

Il y avait un rituel intangible.. instauré par le grand-père .. un week-end chez lui , un week-end chez mes parents, un week-end chez son autre fils.. mon oncle en un mot… (et un week-end libre pour nous !).. rituel incontournable.. indiscutable.. presque une loi divine. . malheur au contrevenant !

Mon oncle venait nous chercher avec sa traction. L’hiver, il en badigeonnait les vitres avec un mélange d’alcool à brûler, jus d’oignon… qui, allié à la conduite… disons « nerveuse » de mon oncle… me rendait malade au bout de quelques kilomètres .. l’appel à mon copain « Hughes » n’était jamais bien loin.

Mais je m’égare.. revenons au sujet.
Le dimanche matin.. mon père prenait son vélo… et se rendait au seul et unique bistrot du village..
Chez Ludo.

Il y rencontrait des connaissances et tapait le carton.
C’était un bistrot comme on en voit encore.. sol carrelé… tables aux pieds de fonte délicatement ouvragés.. façon feuilles d’acanthe.. entrée de métro..
Les chaises en bois.. au dossier arrondi.. celles que l’on retourne sur les tables pour passer le balai en fin de journée… histoire de ramasser la sciure.. les mégots.. et le reste..

Le dénommé Ludo tenait ce bistrot.. casquette vissée sur le crâne.. mégot au coin des lèvres… et tablier noué sur le devant.
Mais Ludo avait une particularité qui me fascinait… mordu au bras par un cheval.. il avait été amputé au dessus du coude.. et la manche droite de sa chemise était soigneusement pliée et maintenue avec une grosse épingle à nourrice.

Mis ce qui me laissait pétrifié.. c’était sa façon de lancer la bouteille de vin sous son aisselle.. la serrant contre lui avec son moignon.. et de sa main gauche y enfoncer le tire-bouchon.
Une fois la vrille de métal bien ancrée…il ramenait l’ensemble entre ses genoux..
Un grand « pop » et il servait le vin dans les verres à facettes…ceux qui font croire qu’il y en
a plus à boire…

Ludo me fascinait .. pourtant j’avais horreur d’aller dans ce bistrot.
Mais chaque dimanche… je n’y coupais pas : mon père tardant à rentrer à l’heure du repas… midi, heure solennelle.. et l’heure étant l’heure.. selon le grand-père… qui m’y envoyait d’un sec !: « va chercher ton père et ne tombe pas dans le ru ! »

Je partais à pied.. en pensant à l’instant où j’allais devoir franchir le seuil… la poignée.. la pierre du seuil usée par le passage.. les gens par grappes autour des tables.. abattant les cartes sur le tapis usé en s’esclaffant.. dans une fumée épaisse au dessus de la tête.. comme un banc de brume dans un chablis..

A peine entré.. « Ah ! v’là le fils à Bébert… ben bon d’iu.. tu peux pas le renier.. ». Tout le monde rigolait.. commentait.. je m’approchais de la table.. « Pépère a dit qu’il fallait que tu rentres ». . « Oui, je termine mes plis ». Il terminait ses plis.. comme ma mère. qui avait toujours un rang de tricot à terminer..

Nous sortions.. il me mettait sur le cadre du vélo… appuyait son menton sur ma tête.. et nous rentrions.

C’était un dimanche sur quatre.. mon grand père tirait la tronche… ma grand mère me menaçait de me filer une beigne.. mon oncle bricolait sous le capot de sa voiture.. « Avec son costume ».. soupirait ma tante qui avait mal à la tête comme d’habitude et se plaignait à ma mère..: « Ah ma pauvre Jeanne.. »….

Et moi .. quand mon cousin n’était pas là.. gardé en retenue à la pension.. je me faisais chier.. mais alors..
Bon.. y’avait Ludo…
Est-ce que je confesse que plus tard j’ai essayé d’ empaler une boutanche en la tenant sous mon bras droit.. Ben j’ai failli retapisser le carrelage..

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Eh oui.. n’est pas Ludo qui veut…

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Marc

Publié 27 novembre 2014 par Leodamgan dans Non classé, Prose à Marc

Conducteur d’aéronef   54 comments

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60-avion-de-chasse-franais-spad-13

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C’était il y a bien longtemps..

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du temps où Mo et moi, mollets d’acier et triceps d’airain, passions le plus clair de nos vacances  en montagne..  l’été à crapahuter à la recherche de minéraux.. l’hiver, les skis aux pieds dans des randonnées le sac sur le dos  .. et le soir dans ces gites où l’odeur des chaussettes humides se  mêle à celle des corps lavés plus que sommairement.

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Pour nous rendre sur le lieu de nos  exploits, nous prenions le train de nuit direction Briançon, descente à Gap…

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Un de ces trains aux compartiments de huit places ornés de  photos locales avec un couloir étroit où deux sacs à dos ne se croisent pas..  ou alors au prix de contorsions et de politesses de voyageurs unis dans cette fraternité du randonneur aux grosses godasses d’un quintal, lacets rouges sur crochets .. et bien sûr.. la gourde en alu qui brinquebale sur le côté..

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Donc, une nuit où nous partions..  l’occasion étant donnée d’aller griller une gitane dans le couloir.. le nez sur la buée.. l’oeil cherchant la lumière d’une absence de paysage.. je me retrouvai en conversation avec un homme qui aurait pu être mon grand-père.. mais qui avait l’oeil plus bienveillant..

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La conversation glissa imperceptiblement vers le monologue ..  et cet homme me parla de sa guerre.. celle de 14, la Grande comme  on dit .. pourquoi la Grande?.. au nombre de belligérants, de morts.. celle d’après ne fut pas ridicule.. mais bon..

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Il  était pilote de chasse, celle de la légende.. celle des as des as.. du Baron Rouge..

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De son portefeuille un peu fané .. il me sortit un document qui portait..  outre son nom..  la mention manuscrite : « Brevet de conducteur d’aéronef N° 13 ».. Eh oui.. je me souviens de ce moment..  brevet N° 13… déjà le nombre en lui-même pourrait effrayer certains.. mais ce nombre si petit, si réduit..  ce vieux monsieur appartenant à  la genèse..  au début.. aux héros..

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Et toute la nuit.. il me parla.. me parla de ses peurs.. ses yeux s’embuèrent un peu quand il parla de ses camarades tombés au combat.

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Nous étions dans le présent. J’imaginai sans peine combien ce fut dur.. inhumain.. il me raconta l’histoire du fils d’une grande marque d’apéritif qui.. pour gagner une permission.. retourna en vol quêter une victoire .. pour pouvoir retrouver la danseuse dont il était amoureux fou.. eh oui, une victoire donnait une permission. Hélas, il ne put revoir son amour..

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La nuit se déroula pleine de souvenirs.. de longs silences songeurs.. que je n’aurais interrompus pour rien au monde.. afin de ne pas briser ce petit fil qui remontait dans le temps.

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Le jour se pointait quand il descendit à Veynes.

On s’est serré la main.. longuement.. Il m’à dit : « Je ne sais pas pourquoi  je vous ai raconté tout ça.. je ne l’avais jamais raconté à personne ».

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Un instant, j’ai pensé.. « son nom.. son téléphone ».. histoire de lui  dire que j’avais été ému.. lui témoigner un remerciement..

Je pense souvent à ce vieux monsieur.. oh, je dis vieux.. maintenant que je m’y dirige, finalement, il n’était pas si âgé..

Maintenant il a du disparaitre.. je ne peux même pas dire son nom.. qui n’a pas été gravé sur une stèle..  il ne lui restait que ses souvenirs et son brevet N° 13..

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Va savoir pourquoi c’est à moi qu’il a donné ses souvenirs.. ses bribes de vie, mais je pense encore à lui aujourd’hui.

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Billet écrit par Marc le 11 novembre 2014.

 

Publié 18 novembre 2014 par Leodamgan dans Prose à Marc

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Qu’est-ce que c’est que cette bestiole?   64 comments

 

 

Dans le cadre des surprises au retour des vacances

nous fûmes gâtés.

 

ancien-Thym et romarin1

 

Nous nous étions  fait plaisir l’année précédente

en installant du thym laineux, plante rase en fleur l’été

à côté d’un gros rocher et d’une souche  résultant de la coupe d’un vieux conifère,

au bas de la rocaille.

Il en faut peu pour nous contenter.

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Bestiole (3).

Et que vîmes-nous en octobre au retour de Bretagne?

Un carnage, notre oeuvre vandalisée.

Il y avait des éclats de bois partout, la souche était éclatée.

Un tunnel était creusé dedans

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Bestiole (2)

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il y avait même comme une issue secondaire  à l’arrière du rocher

au grand dam du thym laineux.

Cela évoquait fort le travail d’une bestiole experte en terrassement,

oui, mais laquelle : rat, taupe, hérisson ou autre?…

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Bestiole (1)

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Je dois reconnaitre qu’une partie de la souche

a été artistement ouvragée lors de son extraction.

Nous pourrions la récupérer, la vernir et l’exposer comme une oeuvre inspirée?

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 Bestiole (4)

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Y-a-t-il encore quelqu’un là-dedans?

Le mystère reste entier

comme je n’ai pas envie de mettre la main là-dedans

pour vérifier…

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Publié 9 novembre 2014 par Leodamgan dans Faune sauvage, Non classé

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