Archives de 5 décembre 2014

Rentrés du paradis.   45 comments

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Bon, ben… j’évoque pas, je balance…

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Bulbul (7)

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Il n’y a pas eu de billets sur le jardin car nous en étions loin.. dans une île de l’Océan indien.. où il fait aussi chaud dans l’eau que dans l’air..

où les oiseaux viennent manger dans la main.

Une île  qui a le bleu et le rouge dans son drapeau.. le rouge est pour rappeler le sang des esclaves..

Bref nous étions à Maurice.. objectifs avoués : pêche et plage.. on pourrait ajouter un troisième « p » pour « punch ».. « ppp ».. l’enfer..

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Le marlin c’est le graal du pêcheur.. le poisson dont on rêve. Pour ma part, étant pêcheur à la ligne depuis tout gamin..

cette envie m’est venue à la lecture d’Hemingway.

Il m’a fallu attendre la retraite.. le temps.. et un peu d’économies pour m’offrir cela..

Ce n’est pas la première fois que nous faisons ce voyage..

Les précédents m’ont été offerts pour le départ à la retraite et avec la médaille de l’aéronautique..

plus de 40 ans dans l’aérien, il parait que cela vaut une médaille..

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Nous avons affrété un bateau et son équipage et la quête a pu commencer..

La pêche au gros, ce sont des heures et des heures à traîner des leurres bariolés munis d’hameçons gros comme des crocs de louchebem (je ne parle pas de dents)..

leurres bariolés.. qui, à mon avis, attirent l’acheteur plus que le poisson..

Bref, on tracte.. des heures.. dans la houle ou dans le plat.. à huit noeuds.

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Sur le pont, à l’arrière.. en plein soleil.. il fait une chaleur à liquéfier un Inuit.. l’équipage passe son temps à arroser le pont..

Parfois une odeur de diésel remonte un  peu.. histoire, les jours de houle, de tester si le petit déjeuner se cramponne ou si c’est la refile.. salut Raoul..

Et on tracte.. on change les leurres de temps en temps.. non parce qu’ils en ont marre de tremper mais façon de présenter un autre plat au client..

On somnole.. on boit un coup (d’eau!).. on mange..  on re-somnole..

Des fois, on scrute.. quoi?.. sais pas mais faut scruter les oiseaux aux noms  bizarres: yéyé, leboeuf, fouquet..

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Et puis, soudain.. le hurlement du frein du moulinet.. le fil qui se déroule à toute vitesse.. le capitaine hurle des ordres..

il faut se précipiter sur la ligne.. s’asseoir sur le siège.. pendant que l’équipage enlève les autres lignes qui pourraient gêner..

et commencer à « travailler » le poisson.. on tire.. on baisse en moulinant. Si le poisson saute, il faut mouliner plus vite.. le fil doit rester tendu.. on pompe.

Le plus souvent, c’est une grosse dorade coryphène.. parfois un wahoo..

C’était une matinée comme ça.. on trempait le fil.. on moulinait.. rien.. nada.

A un moment, un petit marlin est venu jouer avec le leurre.. il l’a machouillé..

On voyait très  bien son rostre et sa voile..  mais il n’a pas mordu.  « C’est bien!  » a dit le capitaine.. « ça veut dire qu’ils montent » » augura-t-il.. Il avait raison.

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Vers 10H, un des moulinets de tribord s’est mis à hurler.. et le tambour à se vider comme un fou.. des mètre et des mètres de fil en quelques secondes..

et loin, là-bas.. un énorme marlin faisait des bonds.. pour se débarrasser de ces pointes qui devaient le meurtrir.. arqué.. dressé.. toute voile dehors..

Le branle-bas fut terrible.. le poisson était tel qu’il fallait le siège central.. celui où ont met le baudrier.. où on attache tout : canne.. homme.. siège..

Tout est rivé sur ce bateau.. tout ne fait qu’un..

Le skipper doit suivre les mouvements du poisson.. le pêcheur doit garder le fil tendu.. il faut épuiser l’animal..

Il arrive que dans d’ultimes bonds, il saute dans le bateau : 100 à 500 Kg de muscles.. terminés par un rostre.. qui arrivent sur le pont..

Branle-bas de combat.. je me suis équipé.. assis.. ai pris la canne.. prêt à.. enfin.. batailler contre le poisson de mes rêves.

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Hélas.. en dégageant les lignes d’à côté.. un accrochage bref mais suffisant pour donner un coup de mou.. un relâchement de la tension a suffi..  pépère s’est décroché!

Le capitaine l’avait estimé à 250 Kg.. pardon.. pour les poissons, on dit « livres ».. donc 500 livres.

Comme a dit Mo, sagace : « s’il en est arrivé là, c’est qu’il avait du chou.. savait comment faire.. ».

Voilà, il me reste des images et 40cm de gros fil de nylon limé.. écorné.. par la mâchoire du poisson.

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Quelque part je suis content.. j’aurais eu de la peine à le voir mort.. c’est si beau! Avec mon père, on relâchait le plus souvent le poisson.. ici.. non.

Oui, mon plaisir.. mon envie de gosse.. aurait été gâchée par cette image..

En fait, ce que j’aime dans la pêche, outre l’environnement, c’est l’attente.. l’incertitude.. le coeur qui bat quand le poisson lutte..

Ensuite, ça ne ne plait pas beaucoup.. pas du tout, même.

Eh oui je sais: je n’ai qu’à ne pas y aller, à la pêche..

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Mais Hemingway quand même..

d’autant plus que j’y arrive au vieil homme.. mais je ne rêve pas de lions..

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Marc

 

 

 

 

 

Publié 5 décembre 2014 par Leodamgan dans Ile Maurice, Pêche, Prose à Marc