Mon paradis perdu   19 comments

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Il y avait dans le temps


un endroit.. connu de beaucoup d’initiés..qui y communiaient en secret…

mais qui était un lieu de perdition.. de rêve..

un repaire paradisiaque.

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Oh non il n’était pas habité

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par des créatures .. comme les gueuses du Walhalla..

succubes  au corps à peine voilé guettant goulument le chaland

égaré.. le guerrier mort l’épée à la main..en hurlant Odin..

( comme ce vieux Kirk Douglas au Fort La Latte..)

un lieu de débauche pour nantis ( oui, je sais, c’est pas le moment..) réservé à une frange d’initiés..

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non.. mieux que cela.. le phantasme à l’état pur.. le rêve..
un monde solipsiste..

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le sous sol du magasin deux de la Samaritaine..

le rayon bricolage…

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les créatures qui vous y accueillaient étaient le plus souvent des hommes en blouses grises..

compétents et attentionnés..

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Et les quelques créatures du sexe féminin qui y vivaient

n’avaient rien de comparable avec celles parfumées..maquillées ..miches serrées et la bouche en cul de poule..

au regard un peu méprisant de celles qui officiaient au rayon parfum..

dans un autre magasin. .. à la lumière..

celles là étaient compétentes, efficaces..professionnelles..

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Là..le monde troglodyte.. vous recevait..

vous immergeait dans une fraternité de connaisseurs..

un brouhaha discret.. comme dans un lieu saint..
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certes..il fallait savoir qu’au sol..les bandes de couleurs

étaient le fil d’Ariane des autres magasins..

le bleu pour le numéro 3..le jaune pour le 1..

mais l’initié savait.. et circulait là dedans

comme un saumon revenant sur son lieu de naissance..

aller à la vaisselle sur le demi étage..pas de problème..

à l’oisellerie au dernier étage..aucun souci..

cet endroit était la cour des miracles.. on y trouvait tout..

et même des choses que l’imagination la plus débridée n’aurait oser inventer..

le plaisir malsain de plonger sa main dans la boite de vis de huit..

ou de boulons de douze..

des boites comme celles des grainetiers..

ou du marchand de bonbons qui officiait à la porte…

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Partout des casiers en bois patinés par les attouchements..

dans lesquels on versait des cartons de vis. de clous.. d’écrous et de boulons..

différentes tailles ..modèles..

et on achetait au poids.. le tout mis dans une enveloppe sac en papier kraft marron

tamponnée     » La samaritaine    »

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ah certes.. ça n’a rien à voir avec le  » blister  » d’aujourd’hui..

cette saloperie en plastique épais qui protège la vis en alliage alumino galvanisé..

sans doute fabriquée je ne sais où.. ( et taisons le..)

et dont la robustesse est celle de la guimauve un soir de fête à Neuneu..
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non..là,  elle s’était laissée palper, la vis,  ..étreindre.. estimer..

en fait.. le magasin avait confiance..

et c’est vrai qu’aucun des communiants n’aurait oser en mettre une poignée dans sa poche..

ça n’était pas de mise dans la confrérie..

sans doute quelques hérétiques se sont livrés à ces jeux pour assouvir une pulsion kleptomane..

mais chaque habitué.. avait le regard réprobateur.. intense..

il convenait de fixer intensément le contrevenant..
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ah le sous sol du magasin deux.. que de temps y ai je passé..

avec le plaisir suprême de donner des renseignements aux nouveaux prosélytes..

il suffisait d’être en veston ( comme on disait à l’époque) et n’avoir aucun sac ou autre sacoche..

pour passer pour un chef de rayon..

le couronnement suprême était de donner un renseignement sur un objet difficile à dénicher..

un bouvet..?? oui monsieur.. sur votre droite là bas.. derrière les forets..

le bloc moteur Peugeot..oh monsieur.. en 500 watt il sera un peu juste pour le 12mm dans le béton..

il vous faut directement la 1200 Watt..
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eh oui.. que de souvenirs dans ce lieu..

que de rêves de pavillon..de bricolage.. d’atelier bien rangé…

Il y a des coins dans Paris.. où je n’ose plus retourner.. je n’ose plus ..

c’est trop d’émotions de voir ce qui est arrivé..comment tout a changé..

oui, je sais, c’est le progrès..c’est inéluctable…

mais trop de choses remontent.. sans doute aussi la secrète douleur d’avoir perdu sa jeunesse..

Je ne sais pas ce que sont devenus les vendeuses et les vendeurs..

mais je les remercie..

ils aimaient leur métier.. ils étaient compétents et serviables..

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 Vendeurs de la Samaritaine

sous-sol du magasin deux..

merci..

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Marc

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Publié 21 Mai 2011 par Leodamgan dans Prose à Marc

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19 réponses à “Mon paradis perdu

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  1. Ah! oui La Samaritaine, je me rendais très souvent au rayon loisirs ;-)… un peu moins souvent au rayon bricolage… J’aime son enseigne que je trouve vraiment belle, je l’ai aussi souvent photographiée…et j’avais un bus direct qui me laissait juste devant… Il y a encore le BHV, c’est un peu différent mais un des rares bazar qui nous reste…
    Bises à vous deux

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  2. un bel hommage à cet espace de rêverie d’un amoureux bricoleur ….bravo !

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  3. quand je pense que j’ai raté ça …
    …le sous sol de la Samaritaine, avec toutes ces clés Facom!
    …et ces décorations: avec des calendriers pareils, je ne risque pas de louper une date importante.

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  4. Je me suis demandé un instant si je ne m’étais pas trompé de blog tellement le sujet semble différent de ce qu’on peut lire ici d’habitude. La photo du magasin est très belle mais je n’ai jamais eu l’opportunité d’y entrer. A priori c’est trop tard…
    Une autre Enseigne parisienne faisait beaucoup de pubs sur les mêmes radios dans les années 70/80 : Felix Potin. Ca n’a certainement rien à voir mais j’admire l’architecture de l’immeuble portant encore ce logo chaque fois que je passe rue de Rennes.

    Bon dimanche

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  5. C’est vrai que ce rayon bricolage était impressionnant et assez inattendu pour ce type de magasin.
    Mais puisqu’il va rouvrir bientôt… qu’ils disent !

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  6. Je n’ai pas connu ce magasin , mais ils y vendaient surement des fleurs et c’est là que Marc et Mo se sont rencontrés …
    🙂
    Bonne journée

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  7. Mais c’est bien sur , sa façade est parsemée de fleurettes !!!

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  8. Joli texte encore une fois. Quelle poésie!

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  9. pouet pouet pouet ^^
    bisous vous !

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  10. Là d’où je viens il y avait ce que l’on appelait ‘Le Grand Bazar ». Il y avait absolument tout, du matériel de bricolage en passant par les ustensiles de cuisine jusqu’aux jouets improbables comme ces soldats colorés vendus à l’unité et qui attendaient dans une vieille boîte en carton posée sur une étagère….
    Bonne journée.
    .

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  11. Comme Mr Faradet, j’ai connu l’équivalent il y à quelques années à l’échelle de mon petit village, c’était une vieille quincaillerie avec le patron qui va avec, blouse grise et toutes les références dans la tête.
    Clous et vis vendus au poids, et souvent le petit conseil en plus ou la solution au probleme.

    Juste après la guerre il y avait aussi une quinzaine de café et pas moins de trois cordonniers…

    Joli billet nostalgique.

    Time fades away…

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  12. J’y suis allé nombre de fois aussi. Parfois j’ai ramé pour trouver ce que je voulais. Mais certains vendeurs connaissaient bien leurs fonds.

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  13. tout en lisant je savais que c’était Marc qui racontait, le surdoué du bricolage, qui en connait un rayon. C’est vrai que tout est impersonnel maintenant et les vendeurs ne sont pas toujours compétents, du moins on a la vague impression qu’ils s’en foutent.

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  14. là ou les vis fleurissent , Mo ne doit pas être loin….

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  15. superbe ! j’aimais bien aimé aussi les petites quincailleries de province, la même chose mais en mini ! aller y fouiner était un plaisir !

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  16. Nostalgie du bricoleur, tous fout le camp, quelques soit les divers magasins il y manque la chaleur de nos commerces d’autrefois. Bon week-end a vous deux. Bizz

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  17. Une belle création d’atmosphère pour initiés …de rêveurs aussi devant la beauté d’unn outil..ce superbe prolongement de la main de l’homme…!

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