.
.
Deux charmantes lectrices m’ont demandé de parler des Halles…
.
.
ça fait plaisir.. mais des Halles d’avant.. des Halles du temps où c’était le ventre de paris.. des Halles de la bouffe.. de la tortore.. de la nuit.. les Halles des louchebems où les quartiers sanguinolents se baladent dans des chariots sur les trottoirs rouges de sang.. les têtes de veaux langue pendante.. qui vous dévisagent depuis le bac en osier.. la malle à Gouffé.. les Halles de la marée.. des marchandes de poisson.. une voix de poissarde qu’on disait..
.
En fait faut que je précise.. suis né dans le coin.. rue Vieille du Temple .. et malgré une émigration en banlieue pour mes bronches.. j’ai connu les Halles.. de jour et de nuit.. môme et adolescent.. et homme jeune.. ces pavillons Baltard .. fierté du modernisme conquérant quand l’homme domestique la fonte.. et en façonne des volutes et autres feuilles d’acanthes.. dont il orne tout ce qui est immobile.. entrées de métro.. kiosques à musique.. pont etc.. les ponts étant eux, agrémentés de pulpeuses naïades.. d’hypothétiques dauphins cracheurs.. ou de zouaves culottés qui attendent que l’eau leur arrive au menton..
.
.
Parler des Halles dans un petit billet est impossible.. enfin pour moi.. trop de choses reviennent.. trop d’images.. trop de souvenirs de ces fins de nuits où la tradition voulait qu’on aille manger une soupe à l’oignon aux Halles.. au pied de Cochon ou chez Robert Vatier.. la Halle au vin qui fut déplacée pour construire Jussieu où je fus poursuivi par les études et les CRS.. certains soirs d’un beau mois de mai.. les Halles où j’emmenai une nuit d’été une jeune fille blonde en robe jaune.. et talons hauts .. rencontrée sur les Champs et avide de découvrir Paris avec un guide prévenant.. miss Iowa… je me souviens d’elle enjambant les filets des sang sur le trottoir au milieu des quolibets et remarques alertes de ces géants en capuches blanches maculées de sang.. ça a du lui en faire des images..
.
Je ne suis jamais allé à Rungis.. mais c’est comme le reste.. ben oui.. fallait bien que ça change.. un amoncèlement de détritus de nourritures.. de cageots.. des gens affairés.. des cris.. le gros.. le 1/2 gros.. chacun allant y faire ses courses pour payer moins cher.. Les torrents de flotte.. de détritus.. de bouts de légumes.. de sang.. dans le caniveau.. les balayeurs au balai d’osier qui canalisent.. domptent le flux avec le sac en jute roulé.. direction la bouche moloch de l’égout.. bien sur.. le flux entrant et sortant.. des commerçants.. immense.. comme les globules rouges d’une artère de vie.. des camions énormes qui arrivaient par la rue du Louvre.. et qui restaient là immobiles comme de gros scarabées bloqués devant une entrée de fourmilière.. un embouteillage permanent.. un ami qui avait une cartonnerie rue Greneta a du déménager.. plus personne ne voulait venir livrer.. je m’égare.
.
.
les Halles c’était le quartier hérité du moyen âge.. la cour des miracles.. les gueux.. avec ce bouillonnement de vie.. de bruit.. d’odeurs.. de restaurants.. dont les patrons d’origines différentes garantissaient une cuisine locale.. Auvergne.. Rouergue.. Alsace.. les Halles la nuit c’était l’ambiance des travailleurs initiés.. habitués.. les lève- tôt.. 04h00 du mat.. faut démarrer.. des bistrots où certains buvaient le verre de sang de bœuf.. mais c’était aussi celle des noctambules venus terminer la nuit.. chacun un peu gris.. on se parlait.. rigolait dans une communauté éméchée dont le seul objet était de se dire qu’on avait passé une bonne soirée..
.
Ben oui.. fallait que ca migre.. insalubre.. plus de rats que d’humains.. des rats dans le métro gros comme des radis noirs dopés aux OGM .. trop grouillant.. trop enchevêtré.. fallait du propre.. du faïencé.. de l’inox.. même le nom il ne veut plus rien dire… le MIN.. mine de quoi.. mine de rien.. ah oui.. j’ai bonne mine avec mes souvenirs.. ben oui.. on vieillit.. mais moi, je ne suis pas comme le bon vin.. je vieillis mal.. j’ai le regret de cette époque qui était bien moins dure qu’aujourd’hui.. c’est vrai mais qui .. outre ma jeunesse avait sans doute.. bah.. à quoi ca sert … d’épiloguer.. mais c’est comme le reste..
.
.
Bien sur avec Mo nous sommes allés voir le musée Pompidou.. pour guider des amis Belges.. on a fait un crochet par la Rue Coquillière.. pour aller acheter du matériel de cuisine chez Dehillerin.. et puis en allant vers le Louvre et le quai aux fleurs.. j’ai jeté un œil sur la statue de Gaspard de Coligny rue de Rivoli.. cette statue me fichait une trouille bleue étant môme.. va comprendre Charles.. l’a pourtant mal fini le gonze..
.
Frehel chantait .. « Où est il donc ».. http://www.youtube.com/watch?v=7ypsfxGX00I cette musique qui n’est pourtant pas de mon époque.. c’est ça.. l’ambiance des bistrots du matin.. le glouglou du perco.. le café presque à mâcher.. la fumée des clopes.. l’aube pas encore debout cette flemmarde.. la buée sur les carreaux derrière les rideaux bonne femme un peu crades qui faseyent sur la tringle en laiton.. le patron.. bâche vissée sur le crane.. qui verse le calva dans des petits verres bombés.. les dames au martinet de la rue Etienne Marcel.. les descendantes (peut être pas) de celles qui me grattaient le menton et donnaient à ma mère des tickets de rationnement quand elle allait me promener au jardin des Tuileries.. que je hume.. que je profite comme on disait..
.
.
.
Bah oui.. c’est ça mon bled à moi.. mes racines..
Marc
.