.
En fait j’aime bien quand il cuisine mon bonhomme.
D’abord il aime ça. Il y met tant d’attention et de petits détails et ensuite il me dit qu’il y met un ingrédient introuvable ailleurs: sa tendresse.
Faut dire que sa recette s’étale sur deux jours. il commence par blanchir le chou, c’est le plus facile.
Puis ensuite, et là il en bave un peu. En fait il se brûle: il ouvre le chou feuille par feuille pour arriver au cœur. Çà fait comme une grosse fleur avec un gros pistil pommé. Il enlève le cœur du chou et l’émince dans sa farce: un mélange de chair à saucisse, châtaignes en petits morceaux, morilles, auquel il ajoute quelques morceaux de truffes.
Il creuse l’emplacement du trognon de chou et commence à remplir d’un paquet de son mélange, il referme.
Il dispose une couche de farce tout autour qu’il recouvre de feuilles et ainsi de suite. En fait il referme le chou mais entre chaque couche de feuilles il a intercalé de la farce pour obtenir un chou en strates, quoi.
Ensuite il m’appelle pour que je l’aide à ficeler. Faut dire qu’il n’est pas doué, il n’a pas le geste sur du boucher qui saucissonne son rosbif. Mais bon, moi je sers juste à poser l’index sur la ficelle:
-« appuie là, merci ».
Il sort SA cocotte en fonte, achetée il y a bien des années chez Dehillerin, aux halles, du temps où c’étaient les halles.
Il met à rissoler dans de la graisse d’oie des morceaux de lard fumé, de l’oignon et des carottes coupées en rondelles, une pincée de sucre (« toujours dans les carottes » dit-il doctement).
Quand c’est rissolé à sa convenance, il déglace avec un coup de cognac ou d’armagnac, pose son chou ficelé sur ce matelas parfumé, rajoute son reste de châtaignes et de morilles, mouille à mi-hauteur avec un mélange bouillon, vin blanc sec et c’est parti.!
Ça va mitonner deux ou trois heures à petits bouillons, « faut que ça réduise » lance-t-il et il couvre.
Je le vois régulièrement jeter un œil, retourner le chou. Au bout de deux bonnes heures, il arrête.
Et le lendemain, avant l’heure du repas, il remet en route un peu plus fort : faut réduire, réduire… C’est son credo.
Je dois confesser qu’au moment de servir, il y a des parfums qui s’échappent, des fragrances à damner un ermite.
Oui.. je ne devrais pas le dire mais il cuisine bien mon bonhomme…
.
.Et en plus, il se tape toutes les vaisselles.