Sans doute l’appel de la nature, nous avions installé 3 grands aquariums dont un dit « d’ensemble » avec plein de poissons qui passaient leur temps à se mettre sur la tronche (les cichlidés étaient un peu teigneux après s’être reproduits)..
L’un des poissons, seul de son espèce dans cet aquarium (c’était préférable) était un Betta splendens rouge bordeaux dit : »combattant » , .
.
.
En fait, il ne combattait rien du tout faute de rival, indifférent aux autres espèces de poissons. On le représente toujours en photo les nageoires déployées en un voile somptueux mais ici, sans personne à impressionner, il trainait, misérablement les nageoires en berne, s’ennuyant comme un biffin un dimanche après midi dans une ville de garnison.
Emus , et soucieux de son équilibre, nous nous sommes mis en tête de lui trouver une compagne, histoire de lui redonner la forme et le moral..
Nous nous sommes lancés dans la documentation et après avoir lu la façon de procéder dans un livre sur les poissons d’aquarium, nous pensions être récompensés de nos efforts par une ribambelle de petits…
.
On est censé préparer un aquarium « nursery » pour servir de chambre nuptiale et recevoir les alevins. Cet aquarium est divisé en deux parties par une cloison de verre, son fond est recouvert de sable dans lequel sont enfoncées quelques plantes. Bien sûr, il y a un oxygénateur et un filtre. Tout le confort, en somme.
On doit transférer le mâle d’un côté et la femelle de l’autre côté de la séparation de verre. Le mâle, excité, doit alors réaliser un radeau en bulles de salive dans lequel il déposera, un à un, les œufs que la femelle pondra. Pendant cette phase d’activité, il ne s’alimentera même pas. La femelle de son côté a le droit de manger copieusement.
Quand le radeau semble terminé, on enlève la séparation, les époux se rejoignent, il n’y a plus qu’à laisser faire la nature en restant discret.. pas question de jouer les mateurs…
.
.
On a suivi scrupuleusement la méthode, nous sommes allés lui chercher la femme de sa vie.. une chouquette mignonne petite femelle betta verte, une poissonne avec tout ce qu’il faut là où il faut.. et on a mis en place la nursery.
.
.
Au début tout marchait comme sur des roulettes : ils se sont examinés à travers la cloison. Et Marcel a déployé ses voiles en tournoyant sur lui-même, histoire de lui montrer une partie de ses talents.. Incarnation de la séduction. On ne l’avait jamais vu si beau, le Marcel.. une gravure de mode…
Chiquita avait eu le coup de foudre et avait succombé… elle semblait fascinée et cherchait le moyen de contourner la cloison afin de le rejoindre… eh oui.. pour elle c’était bon dès le premier soir.. notre agence matrimoniale était un succès.
Entre deux danses, le mâle s’est mis à buller comme un fou pour faire son radeau.. les bulles tenaient bien. Chiquita était dans tous ses états.. quant à Marcel.. l’avait manifestement pas envie de se la mettre sur l’oreille pensions nous.. .
.
.
Quand cela nous a paru bon, nous avons enlevé la séparation, ce que les poissons ont réalisé au bout de quelques secondes.
Et là… la bavure.. la boulette.. le drame…
.
.
Marcel a foncé sur Chiquita qui a frénétiquement cherché à s’enfuir et il lui a flanqué une de ces raclées… le connard quoi.. le sale con qui bat sa femme..
On a récupéré vite fait la femelle mais elle est morte rapidement. Les coups de tête dans la vessie natatoire, ça ne pardonne pas… la nursery était saccagée, les plantes déracinées, le radeau en bulles dispersé, du sable tourbillonnait…
Alors, on a relu le mode d’emploi. Il y était écrit que le coup de foudre n’était pas garanti.
.
.
On s’est risqué à acheter une autre femelle, bleue.. on ne lui a pas donné de nom.. vu qu’on commençait à avoir des doutes sur le ciboulot du dit Marcel.. avait on récupéré un cinglé.. un maboule..
Hélas, le même navrant scénario s’est répété…
Faut confesser qu’on a eu envie de balancer Marcel dans les goguenots, histoire de lui apprendre les choses de la vie..
il est retourné dans l’aquarium d’ensemble et s’est de nouveau trainé, ses voiles pendant lamentablement…
.
Voilà donc comment le dieu des poissons a puni « Battling Marcel », le laissant sans descendance.
Le premier s’appelait Choupetto… va savoir pourquoi mon père avait choisi ce nom..
C’était un petit chat noir avec une petite tache blanche au cou.. il y a si longtemps que je m’en souviens à peine.. mais il était toujours avec moi.. le soir il s’endormait sur mes pieds dans le lit.. avec lui j’étais rassuré.. j’avais moins peur du noir et des ombres bizarres le long du mur..
Je me souviens qu’étant malade, la rougeole peut-être .. le médecin avait interdit que le chat me rejoigne.. mon père avait mis des planches pour barricader l’entrée..
Mais au matin je sentais sur les pieds la chaleur de Choupetto…
Le second est plus récent.. quelques années après que nous nous soyons installés dans notre maison.. j’avais remarqué sur le tas de compost un énorme siamois.. qui feulait et crachait quand je m’approchais avec la brouette.. je lui jetais des mottes de terre et à regret il quittait son tas de feuilles mortes en chouinant pour disparaître à travers un trou du grillage..
Nos rencontres se sont établies ainsi.. il feulait.. je lui jetais des mottes de terre…
Un jour de printemps.. alors que je travaillais devant la maison, il est sorti d’un massif et s’est dirigé vers moi.. en miaulant.. un peu inquiet, je n’ai pas bougé.. gardant quand même ma bêche à la main.. et il est venu se frotter le long de mes jambes..
Quelques semaines après.. le même manège.. c’était un jour où nous avions mangé du poulet, Mo et moi.. je suis vite rentré et suis ressorti avec, oui je sais, je n’avais rien d’autre..
J’en ai posé par terre et me suis éloigné.. il a mangé.. et est reparti..
Puis vint le fameux jour.. la porte-fenêtre de la terrasse était ouverte…
Il est rentré dans la maison.. a fait son tour.. reniflant partout.. là où le petit chat du voisin avait de temps en temps l’habitude de venir..
Il était là ce jour là, le petit chat, que nous avions surnommé « bestiole », somnolant sur une chaise..
..
L’énorme siamois a terminé son tour.. se redirigeant vers l’ouverture sur la terrasse.. il s’est arrêté près de la chaise où s’inquiétait déjà le chat du voisin.. et comme si c’était un coussin, sans un bruit, sans la moindre hésitation, il a sauté sur la chaise.. provoquant une folle terreur de l’occupant..
Quel symbole, quel geste.. il l’a ignoré.. comme s’il n’existait pas.. il s’est installé sur la chaise… et disons le.. il s’est installé chez nous..
Un siamois énorme.. aux yeux d’un bleu.. avec une des canines du bas en moins..
Au début j’ai cru que son poil était ainsi.. en fait il était rêche de terre et de sa vie de desperado..
J’ai acheté tout le matériel qui convient.. brosse. .. gamelle..
Avec Mo, on a cherché un nom.. car pour le vétérinaire qui l’inspectait pour lui faire vaccins et autres traitements.. fallait lui donner un état civil…
.
.
Comme il avait des yeux inquiétants et surtout un feulement très impressionnant, on l’a appelé Raspoutine…
C’est ainsi qu’il est entré dans notre maison.. dans notre vie.. dans notre cœur..
Il gardait la maison.. Quand une personne passait dans la rue, il poussait son cri rauque et long.. le bout de sa queue indiquait la menace..
Le plombier en avait peur.. c’est un cri étrange que le cri du siamois.. presque humain..
Quand nous devions le laisser chez le vétérinaire pour ses vaccins et que nous partions au boulot, il est souvent arrivé que, rentrant le soir, nous le retrouvions tout calme dans sa cage alors que le vétérinaire.. presque deux mètres et 120 kg n’avait pas osé aller le chercher.. même avec ses gros gants épais..
Il nous racontait que le chat se calmait dès qu’il entendait notre voix derrière la porte..
.
J’allais le prendre dans la cage.. le saluant d’un « alors le chat » auquel il répondait par un « moin.. » .. chargé de reproches.
Je le mettais sur mon épaule et nous repartions vers la voiture..
Au retour il se précipitait en miaulant comme un perdu au bas du meuble du micro-onde attendant son poisson..
Ensuite il faisait son tour dehors.. parfois il passait la nuit.. mais souvent il suffisait que je fasse un petit bruit avec mes lèvres.. il me répondait « moin.. » .. et rentrait..
.
.
Le soir, je me couchais, j’entendais ses pas sur le plancher.. pouf.. un gros poids sur la poitrine..
Il calait son museau sous ma barbe.. et nous partions lui et moi au pays des rêves… Il s’est battu avec tous les chats du quartier, étendant son domaine.. il en a même tué un..
Quelques fois, il est revenu sévèrement mordu.. infection.. piqures.. piqures que je lui faisais : « moin.. ».. Ce chat nous avait choisi..
Une année je me suis retrouvé coincé au lit par une sciatique paralysante.. 10 jours.. Mo était à l’hôpital ..
Il ne me quittait que pour aller faire ses besoins dans sa caisse et manger quand mes parents venaient me porter la pitance..
10 jours.. 10 nuits près de moi.. soit en câlins ronronnants et léchouillants et en grosses griffes qui me malaxaient le côté.. soit en long roupillons..
Il parait que les chats ne sont pas capables d’amour comme les chiens.. qu’ils sont intéressés.. et n’acceptent la caresse qu’au prix à payer pour la ration quotidienne…
Qui peut écrire des choses pareilles..
.
.
Ce chat savait communiquer.. me dire ce qui allait ce qui n’allait pas.. ce qu’il voulait..
Souvent je le mettais sur l’épaule et nous faisions le tour du jardin.. je m’arrêtais près d’une fleur et je lui disais « sens » et il avançait le cou…
Il pesait pas loin de 9 kg… hé oui.. ses anciens maitres lui avaient ôté ..
Alors il n’avait plus une grande souplesse pour grimper haut dans les arbres..
Mais quelle force il mettait à faire ses griffes quand je le posais sur une branche haute…
Il a passé un bon nombre d’années comme ça.. et puis il est tombé malade.. une suite de bagarre a décrété le vétérinaire.. le sida du chat…
Il toussait le pauvre.. alors a commencé son long traitement, piqures, visites vétérinaire… la nuit je l’entendais tousser à perdre l’âme.. Un printemps est arrivé.. début d’été.. la situation devenait de plus en plus difficile.. il perdait l’appétit.. j’avais beau essayer de lui donner des choses originales.. variées…
Le vétérinaire dit qu’une décision s’imposait.. j’ai trainé jusqu’au jour de mon anniversaire.. nous avons partagé un peu de crabe…
Et puis dans la soirée.. j’ai vu qu’il cherchait à se cacher.. j’ai compris.. il ne voulait pas que je souffre..
Partir comme il était venu.. un desperado..
J’ai fait un grand trou dans le jardin.. sous son poirier.. Mo a donné un beau carré de tissu…