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Claude Vougeot, commissaire de police basé en Côte d’or, s’offrait une petite sieste au bureau après avoir tapé le carton avec ses subordonnés à l’heure de l’apéritif et consommé un déjeuner aussi copieux qu’honorablement arrosé des vins du crû.
Soudain, la sonnerie du téléphone le réveilla sans égards pour l’état de béatitude dans lequel il était plongé.
Le profanateur de sieste n’était autre que Julien Asse, directeur régional de la police judiciaire qui s’inquiétait de la disparition de Fernand Vergelesses, un ami intime qui appartenait au même club privé que lui, club dans le cadre duquel on échangeait des points de vue d’ordre encore plus privé.
Son ami avait déjà séché deux réunions mensuelles du club sans fournir d’explications et n’avait donné aucun autre signe de vie.
Claude Vougeot, son meilleur limier quand il n’était pas occupé à déguster les vins de Bourgogne, fut chargé de mener discrètement une enquête officieuse dans le domaine viticole de ce Fernand Vergelesses, gros négociant-vigneron-récoltant-éleveur dans la côte d’or.
Pour ce faire, il se présenta comme un intermédiaire exclusif chargé de négocier une énorme commande de vins hors de prix pour un marché asiatique.
Compte tenu de cette circonstance exceptionnelle, et Fernand Vergelesses semblant absent, le commissaire fut reçu par Geoffrey Chambertin lui-même, beau-fils de Fernand, qui le présenta avec empressement au reste de la famille.
Il y avait là : Yvonne Romanée, épouse de Fernand, qui avait conservé son nom de jeune fille,
Geoffrey Chambertin (déjà présenté) , fils d’un premier lit de Yvonne Romanée,
et Alix Corton-Maltese, fiancée de Geoffrey.
Outre les proches de Fernand, le jardinier Beppo Mare logeait au domaine.
Claude Vougeot, connaissait ces gens par ouï-dire. Les ragots allaient même bon train.
Geoffrey, le beau-fils aurait un point de vue beaucoup plus financier que son beau-père sur la culture de la vigne, il rongerait son frein en attendant de lui succéder.
Sa fiancée Alix, italienne à la plastique somptueuse et à la réputation sulfureuse, le mènerait par le bout du nez et serait extrêmement désireuse de l’aider à dilapider son héritage.
Elle aurait par ailleurs de suspectes relations avec Beppo Mare, le beau jardinier (italien lui aussi), amateur d’amour et de vin mais ne possédant pas un fifrelin.
A la cave, tout en appréciant la robe, la cuisse, le parfum, l’attaque, le tanin, la longueur en bouche, la remontée… des vins du domaine, le commissaire Vougeot se sentait titillé (en outre) par une association d’idées qu’il avait autant de mal à éclaircir que la note fruitée du grand crû qu’il dégustait expertement à cet instant précis.
Quand Geoffrey Chambertin l’avait accueilli à la porte, il tenait encore à la main le livre qu’il lisait :
« J’irai cracher sur vos tombes » de Vernon Sullivan.
« Cracher »… Cracher?… Crachoir?
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Instinctivement, Claude Vougeot fixa le crachoir qu’il utilisait d’ailleurs en ce moment.
C’était un gros tonneau qui en faisait office.
Le couvercle percé d’un entonnoir en cuivre avait un tour plus clair que le reste comme si on l’avait récemment ôté puis mal replacé.
Sans réfléchir, le commissaire retira le couvercle.
Il vit flotter, sur la vineuse et expectoreuse surface, une perruque.
Il plongea la main dans le mélange et souleva la tête colorée,
mais parfaitement conservée par le tanin de vins un peu jeunes,
de Fernand Vergelesses.
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« Encore une affaire résolue » pensa-t-il,
tout en déterminant enfin la note fruitée du grand crû :
du cassis!
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Article récupéré pour le concours de l’agenda ironique de novembre, géré par Valentyne :
https://lajumentverte.wordpress.com/2016/11/02/agenda-de-novembre-cest-parti/
nous en sommes là des publications:
https://lajumentverte.wordpress.com/2016/11/12/polars-ironique-de-novembre-a-mi-chemin/
Rapide, ce commissaire; il a le troisième oeil.
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Et il a du nez, en plus!
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Julien Asse et Fernand Vergelesses 😀
excellent cru que récit , votre récit …et vive le grand Boris et ce bon petit cru de rouge 😀
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Et tu y as cru?
Bises
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ouiii Mo, qui l’eût cru ?
je ne comprends pas que ce récit fleurant si bon le cassis ne récolte pas plus de commentaires ? est il jugé politiquement incorrect à cause de son humour noir ?
quant à moi j’ai bien apprécié sa chute 😀
merci pour la zique et ta visite ( je suis si seulette à Marseille 😉 bise et bonne continuation de fare niente al sole
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C’est sans doute parce que c’est une rediffusion. Sur le billet original, il y a eu plus de commentaires.
Bises et bon séjour à Marseille.
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Coucou Mo, je suis rentrée dans les froides Alpes ! et un bon vin chaud , je ne cracherais pas dessus 🙂
profitez bien de la chaleur, emmagasinez là …bises
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wow, j’en suis impressionnée, Mo… 🙂
* * *
je suis où tu es, profite à fond de ce petit paradis terrestre… 😉
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Merci Mélanie.
C’est vrai que Mark Twain a dit :
« Mauritius was made first and then heaven; and heaven was copied after Mauritius. »
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donc QED… 😉 au fait, lorsque j’étais à Hawaï, un autochtone m’a dit: »quand Dieu a voulu créer le paradis sur terre, il a choisi Hawaï… » 🙂
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J’aime bien les jeux de mots… on s’ennuie du terroir à Maurice ?
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Non, non… Je ne savais pas trop quoi raconter cette semaine… 😉
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Un polar à mi chemin entre Vian et Agatha Christie, non?
une famille toxique, un héritage ?
Il a l’air fortiche ce commissaire 🙂
PS : j’adore les noms des protagonistes 🙂
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Merci Valentyne.
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Une belle surprise que cette petite nouvelle bien troussée ! La fin est inattendue et le style est amusant. J’en veux bien une autre du même tonneau. 🙂
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Merci Nico mais la source de l’inspiration ne coule pas toujours à flots!
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Un peu dégueu, mais une histoire pleine de tanin… Chris
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Le tanin ça conserve 😉
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Bonsoir
C’est ce qu’on appelle avoir le nez fin!
Bisous
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Bonjour,
Un détective sans flair ne sert pas à grand chose…
Bises
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Excellent aussi bien dans les travaux de bricolage du jardin que dans l’écriture d’une nouvelle policière .
Bises
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Il faut bien se diversifier un peu…
Bises
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Bonsoir Mo,
si c’est toi qui as écrit, alors tu peux devenir une écrivaine. Bravo, j’ai eu peur en lisant.
Bises Bonne nuit
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Oui, c’est moi…
Bises,
Bonne journée,
Mo
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Nom d’un saint émilion, quoique je préfère le canon fronsac! Manque plus que la bénédiction de pape clément pour une histoire grand cru.
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C’est vrai qu’il manque le Saint Siège…
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pas de doute, un grand cru ! Amitiés les amis
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J’ai affaire à des connaisseurs…
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Je savais bien que tu sais bien écrire 🙂
la suite ! (ou d’autres histoires, je ne suis ni saint ni sectaire)
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J’ai failli lire : « ni Saint ni Nectaire »… Faudrait que je change de lunettes, non? Remarque, ça va bien avec certains vins.
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N’accuse pas tes lunettes, tu as bien lu, c’est moi qui me suis trompé en écrivant ! damnée dyslexie…
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Une vraie enquête avec les éléments du terroir, formidable texte,
Ce Fernand quel fin tragique mais une belle mort.
ça me rappelle cette phrase de l’autre, (je ne me rappelle plus de son nom mais c’est un type avec deux oreilles …
« Cet homme avait soif de ta vie, mais ne le savait pas. Alors il but jusqu’à l’ivresse »
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Roger,
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On pourra dire que Fernand s’est vraiment noyé dans l’alcool même si c’est à l’insu de son plein gré…
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On dirait une histoire écrite pour le détective » Monk »
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Ne connaissant pas le détective Monk, j’ai dû chercher sur internet.
Je choisis de supposer que c’est un compliment, alors, merci!
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Le pauvre Fernand a passé l’éponge… Et Vlan! lol J’aime bien le style et l’histoire au fond de la cave, mais parce qu’elle est à vin. 🙂
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C’est là qu’on apprécie d’avoir fourni des efforts en vins!
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Pas de doute ton commissaire a du flair ! Quelle chute ! 🙂
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Un œnologue confirmé en tout cas, c’est certain!
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Monk a travaillé sur une affaire ou le cadavre a été découvert dans un tonneau de vin. Episode vu il y a une semaine. Ce n’était ni une critique ni une flatterie sur ton texte. Juste une info sans grande importance.
J’espère que la seule option possible n’est pas d’être un « follower flatteur » ?
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Eh bien, j’ai appris quelque chose même si c’est sans importance, merci 😉
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C’est l’inspiration venue de l’hémisphère sud? Si oui, tu as le « sud » triste…
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Non, cela venait de la Bourgogne après une expédition pour ramener des vins du cru…
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Ben dis donc, que du tout beau monde !!
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Oui, chicos, hein?
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Le genre verre pas à moitié vide 😉
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Bonjour
Je passe te souhaiter une bonne semaine
Bisous
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Merci, Bonne semaine à toi aussi,
bises
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« Vougeot » comme rougeaud, quand on a un peu trop abusé de l’apéro?
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Oui, surtout dans un Clos… 😉
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Je crois qu’il est cuit ton Fernand du cru !
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Bien conservé, tout de même, non?
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Cette Alix Corton-Maltese (merveilleuse trouvaille) m’a tout l’air d’un somptueux personnage à développer… Ou envelopper ? Je ne sais trop !!!… Cette enquête sur chais fut rondement menée… Bravo !!!!!
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Merci!
Je me suis laissé dire qu’Alix était, de surcroit très souple… 😉
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Oui, j’en avais l’intime intuition !
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