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Depuis que je suis gamin, j’ai toujours été à la pêche.
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Avec mon père et mon grand-père dans les Landes… Mon grand-père, fidèle à lui-même, arguant qu’il n’y voyait pas, me faisait accrocher les asticots sur les petits hameçons de 18 pour le calico bass.. En fait, il y voyait très bien, mais c’est plus facile de demander à un gamin.. bref..
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J’aimais la pêche. En fait, je crois que j’aime ce qui entoure la pêche.. la nature, les odeurs, les bestioles qui y vivent.. Il n’y a rien de plus extraordinaire que d’approcher un lac ou un étang au jour levant.. alors que l’eau est comme un miroir, fumante, couverte d’un voile de brume.. l’herbe est humide, parfumée.. la marche du matin.. sous les pins. . les aiguilles y forment un tapis souple et parfumé.. la nature sort de sa pénombre.. une poule d’eau pousse son cri.. un gros remous se fait près des nénuphars..
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Au printemps.. le pollen de pins recouvre la surface d’une pellicule jaune comme de la fleur de soufre..
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Lors de nos séjours dans les Landes, au dessus de Bayonne, nous avions une barque afin de mieux parcourir les étangs dont les bords sont souvent difficiles d’accès. un vieux monsieur, au béret poussiéreux vissé sur le crâne, nous louait, contre modeste rétribution, sa barque, une paire de rames et deux sacs à patates pour se protéger les fesses de l’humidité. Ainsi assis royalement, nous parcourions le lac dans tous les sens. Mon père, à l’arrière, comme les dames des barques du lac Daumesnil, et moi au milieu, souquant comme un moussaillon, suivant les directives du bosco : « va par là, vers les souches.. non, par là.. ».
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Nous pêchions au lancer, en fait avec un leurre doté d’hameçons en grappins censé représenter un petit poisson.. on lance dans l’endroit stratégique.. on mouline en imprimant quelques mouvements idoines.. et hop.. le prédateur leurré.. se dit : « oh, chouette.. » et se précipite sur le bout de métal.. ça c’est sur l’étiquette, dans la réalité, on lance des dizaines de fois à s’en ruiner l’épaule.. ce stupide leurre s’accroche à tout ce qu’il peut.. branche, nénuphar, souche.. voire la canadienne ou le crâne du voisin de barque.. sans parler des doigts quand il s’agit de le changer.. un peu comme on fait entrer un joueur neuf dans un match de jeu à XV.
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Cette après midi là.. nous étions sous des déluges d’eau.. la barque se remplissait.. mon père écopait en maugréant… « allez, hop ! y’en a marre.. on rentre ! ».. Je lui extorquai un dernier lancer.. comme si une voix intérieure me poussait.. une prémonition… je balançai mon leurre, celui à l’œil rond, une cuillère de marque Voblex… près d’un magma de nénuphars.. sans grande conviction.. l’eau me dégoulinait sur les yeux.. le ciré me gênait pour l’harmonieux du geste.. bref, je balance mon engin.. Plouf ! près des plantules.. un éclair argenté dans les ronds de pluie..
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Et le moulinet qui hurle, le frein laisse filer.. un ferrage au mieux.. et je gueule : « j’en ai un ! j’en ai un ! ». Alors a débuté cette phase ultime du combat, celle qui teste l’amitié entre deux amis ou les liens entre un père et son fils.. les acteurs sont simples,. sans parler des éléments (pluie, vent, etc..), un poisson qui veut filer dans son repaire de branchages.. une épuisette pour l’y mettre, maniée par le comparse.. la barque qui dérive au vent comme elle veut.. et le fil, si fragile..
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Ces moments sont uniques , ils permettent à un fils de gueuler sur son père en toute impunité.. : « non, tourne ! fais gaffe, il va passer sous la barque.. tourne.. l’épuisette.. fais gaffe ! mais qu’est-ce que tu fous.. pas par là.. »… eh oui, le cœur bat fort, le poisson lutte.. et le coup d’épuisette salvateur.. et le poisson est là dans le fond de la barque..
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J’avais 14 ou 15 ans, mon brochet faisait presque 90 centimètres.. je tremblais comme une feuille.. et mon père répétait : « ben mon salaud.. ben mon salaud.. ». nous sommes rentrés.. heureux et rigolards.. j’ai eu le record de longueur de brochet longtemps, longtemps..
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Un dimanche après-midi pendant mon service militaire à Chateaudun alors que j’étais de garde au poste, on m’annonce qu’on me demandait à la barrière.. j’y cours et découvre mon père hilare, accompagné de ma mère et de ma sœur.. ils remontaient de vacances dans les Landes…
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La surprise passée, il ouvre le coffre de la 504 rouge et me lâche : « ça te va, ça, comme record ? ». posé sur une couverture, bien emballé, avec des glaçons, un brochet de plus d’un mètre.. mon record était tombé , pulvérisé.. la bête était énorme.. je devais m’incliner.. Bien sur je lui fis raconter.. comment s’en était il sorti tout seul.. sans moi.. il me raconta tout.. la barque.. les nénuphars.. la cuillère tordue… il me fit partager..
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Depuis, j’ai pris en mer des poissons bien plus longs.. un wahoo plus grand que moi.. mais mon père n’était plus là pour que je puisse lui dire :
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« Alors, ça te va comme record ? ».
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Marc
Moi, ça me va, mais ça me fait de la peine pour les poissons ! 😀
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Bon… Mais nous ne sommes pas végétariens, que veux-tu…
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Mon père pêchait des congres en Bretagne, il mettait ses lignes sur des rochers et ramassait aussi des crabes, c’était délicieux. Je n’ai retrouvé vraiment le goût des crabes que bien plus tard à La Rochelle… Il pêchait en mer d’autres poissons ! Mais j’ai oublié !!!
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waouuuuuuuuuu
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Oui, n’est-ce pas?
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Visiblement, c’est une passion héréditaire; voilà pourquoi je ne pêche pas. Dommage, ton récit me donne envie!
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Oui, il y a tout un contexte familial, en général…
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Quel magnifique récit Marc! Quelle tendresse! Bref j’adore….
Bises à vous deux
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Merci, Corinne!
Bises
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jolie histoire !!! les histoires partagées avec un apa ou une maman sont les plus tendres………. je n’ai jamais pêché que des poissons de roche pour la soupe………… aucun rapport comme sensation au bout de la ligne !!!
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Ben nous, on n’a jamais pêché de poissons de roche (en France tout au moins) sauf une fois de la pêche à la palangrotte à l’Ile Maurice, cela avait l’air d’être un peu voisin…
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Marc est un vrai poète…
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C’est ce que je lui dis toujours… 😉
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j’aime le poisson, quand j’étais plus jeune, nous allions dans a la pêche avec mon père .. ca fait longtemps que je n’ai pas manger du poisson fraichement sorti des lacs ..
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Et tu n’as plus envie de réessayer?
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trop bien. trop bien. 🙂
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Certes, certes… 😉
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Mon premier brochet c’était dans les années 70 au Lac du Bourget vers Aix les Bains, j’étais également avec mon père. 🙂
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Le lac du Bourget est bien connu pour la taille de ses brochets et autres poissons prédateurs. Tu as bien dû t’amuser!
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Cuit au court bouillon et mangé froid avec de la mayonnaise…j’adore.
Un voisin nous donne de temps en temps son surplus de pêche.
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C’est bon, bien sur, mais au beurre blanc avec un vin du Jura, ce n’est pas mal non plus…
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On partait aux aurores l’hiver, periode où les carnassiers sont à l’affut d’un petit quelque chose à se mettre sous la dent.
Aussi, mes souvenirs de pêche au brochet se résument à : onglée, nez qui coule, orteils gelés, et après une heure d’attente, une seule envie celle de retourner sous la couette.
Alors ça te va comme record? 🙂
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Ma foi… Moi-même, j’ai du mal avec la pêche quand il fait froid, contrairement à Marc…
Mo
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Et oui, il sera toujours dans ta tête ce brochet, Marc ! moi c’était un mulet dans l’oued Tafna… plein d’arêtes !
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C’est vrai qu’ils sont plein d’arêtes, ces poissons là…
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Purée je me rendais pas compte que ça pouvait faire cette taille là, ce carnassier. J’imagine bien la joie de tirer ça de l’eau 🙂
Et bien raconté, à se prendre presque à l’hameçon …
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Et encore, c’est la variéré européenne du brochet (Esox). Il y a une variété canadienne (Maskinongé) beaucoup plus grosse!
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Fameux !!
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Une belle histoire de pêche au brochet bien racontée .
On m’a dit que les brochets mangeaient des rats est-ce vrai ?
Bises
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On le raconte en effet, pour les gros brochets. Ils sont même censés manger des canetons à l’occasion.. Mais Marc n’a jamais vu ça personnellement.
Bises
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Un mètre de brochet !!! de quoi faire d’énormes brochettes 🙂 ça me donne drôlement envie de manger du poisson frais …
Bonne soirée à vous deux
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Mais pas de le pêcher toi-même? 😉
Il y a peut-être des torrents à truites dans ta région?
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Moi j’ai souvent essayé la pêche au thon et à la morue mais sans jamais rien attraper. 😦
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Sûrement à cause de l’asticot… 😯
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Pour ça, il faut d’abord aller chez le merlan et se faire une belle raie. 😉
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Et j’oubliais : de plus, il ne faut pas avoir d’oursins dans les vagues (synonymes : les fouilles, les profondes…)
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Tu as une manière tellement vivante de raconter tes souvenirs… En plus, celui-ci est plein de tendresse! Les photos sont de toi?
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Non les photos sont prises sur internet. Il faut dire qu’il y a 55 ans, c’était du noir et blanc pas du tout numérique. Il doit rester quelque part une petite photo de cet exploit, sans plus…
Mo
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Ces moments qu’on a vécus avec son père sont toujours immenses, sans oublier la complicité qui vous réunit alors. Ton récit réveille en moi aussi de très beaux souvenirs avec…Papa.
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Ta remarque est très juste.
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J’ai adoré l’histoire, et les photos…
A la maison, c’est en jouant aux cartes que les enfants gueulent sur leur père, et vice versa, en toute impunité, c’est comme s’ils changeaient de monde.
Moi je m’enferme dans le bureau, je ne veux pas entendre ça, même si quelque part ça m’amuse, ne leur répète pas ! 🙂
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Il semble qu’il y ait des lieux et des moments d’échanges privilégiés… 😉
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Hello !
avant tout , c’est le conteur que j’ai apprécié :
quel souvenir tu as là avec ton père ,
tu as de la chance d’avoir vécu des moments magiques avec lui !
Et qu’est-ce que tu racontes bien ton histoire ,
ça sent l’amour , la tendresse et la joie ,
c’est enchanteur !!!!
see you soon , Faith°°°
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D’après Marc, le pater avait quand même de « foutus » quarts d’heures, mais il y avait des moments dont il fallait profiter, effectivement!
Bonne journée,
Mo
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C’est une bien jolie histoire, la complicité d’un père et de son bambin fait du bien et les brochets pêchés sont la cerise sur le gâteau.
Bises
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Fallait le cuisiner, quand même…
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