Rentrés du paradis.   45 comments

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Bon, ben… j’évoque pas, je balance…

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Bulbul (7)

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Il n’y a pas eu de billets sur le jardin car nous en étions loin.. dans une île de l’Océan indien.. où il fait aussi chaud dans l’eau que dans l’air..

où les oiseaux viennent manger dans la main.

Une île  qui a le bleu et le rouge dans son drapeau.. le rouge est pour rappeler le sang des esclaves..

Bref nous étions à Maurice.. objectifs avoués : pêche et plage.. on pourrait ajouter un troisième « p » pour « punch ».. « ppp ».. l’enfer..

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Le marlin c’est le graal du pêcheur.. le poisson dont on rêve. Pour ma part, étant pêcheur à la ligne depuis tout gamin..

cette envie m’est venue à la lecture d’Hemingway.

Il m’a fallu attendre la retraite.. le temps.. et un peu d’économies pour m’offrir cela..

Ce n’est pas la première fois que nous faisons ce voyage..

Les précédents m’ont été offerts pour le départ à la retraite et avec la médaille de l’aéronautique..

plus de 40 ans dans l’aérien, il parait que cela vaut une médaille..

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Nous avons affrété un bateau et son équipage et la quête a pu commencer..

La pêche au gros, ce sont des heures et des heures à traîner des leurres bariolés munis d’hameçons gros comme des crocs de louchebem (je ne parle pas de dents)..

leurres bariolés.. qui, à mon avis, attirent l’acheteur plus que le poisson..

Bref, on tracte.. des heures.. dans la houle ou dans le plat.. à huit noeuds.

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Sur le pont, à l’arrière.. en plein soleil.. il fait une chaleur à liquéfier un Inuit.. l’équipage passe son temps à arroser le pont..

Parfois une odeur de diésel remonte un  peu.. histoire, les jours de houle, de tester si le petit déjeuner se cramponne ou si c’est la refile.. salut Raoul..

Et on tracte.. on change les leurres de temps en temps.. non parce qu’ils en ont marre de tremper mais façon de présenter un autre plat au client..

On somnole.. on boit un coup (d’eau!).. on mange..  on re-somnole..

Des fois, on scrute.. quoi?.. sais pas mais faut scruter les oiseaux aux noms  bizarres: yéyé, leboeuf, fouquet..

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Et puis, soudain.. le hurlement du frein du moulinet.. le fil qui se déroule à toute vitesse.. le capitaine hurle des ordres..

il faut se précipiter sur la ligne.. s’asseoir sur le siège.. pendant que l’équipage enlève les autres lignes qui pourraient gêner..

et commencer à « travailler » le poisson.. on tire.. on baisse en moulinant. Si le poisson saute, il faut mouliner plus vite.. le fil doit rester tendu.. on pompe.

Le plus souvent, c’est une grosse dorade coryphène.. parfois un wahoo..

C’était une matinée comme ça.. on trempait le fil.. on moulinait.. rien.. nada.

A un moment, un petit marlin est venu jouer avec le leurre.. il l’a machouillé..

On voyait très  bien son rostre et sa voile..  mais il n’a pas mordu.  « C’est bien!  » a dit le capitaine.. « ça veut dire qu’ils montent » » augura-t-il.. Il avait raison.

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Vers 10H, un des moulinets de tribord s’est mis à hurler.. et le tambour à se vider comme un fou.. des mètre et des mètres de fil en quelques secondes..

et loin, là-bas.. un énorme marlin faisait des bonds.. pour se débarrasser de ces pointes qui devaient le meurtrir.. arqué.. dressé.. toute voile dehors..

Le branle-bas fut terrible.. le poisson était tel qu’il fallait le siège central.. celui où ont met le baudrier.. où on attache tout : canne.. homme.. siège..

Tout est rivé sur ce bateau.. tout ne fait qu’un..

Le skipper doit suivre les mouvements du poisson.. le pêcheur doit garder le fil tendu.. il faut épuiser l’animal..

Il arrive que dans d’ultimes bonds, il saute dans le bateau : 100 à 500 Kg de muscles.. terminés par un rostre.. qui arrivent sur le pont..

Branle-bas de combat.. je me suis équipé.. assis.. ai pris la canne.. prêt à.. enfin.. batailler contre le poisson de mes rêves.

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Hélas.. en dégageant les lignes d’à côté.. un accrochage bref mais suffisant pour donner un coup de mou.. un relâchement de la tension a suffi..  pépère s’est décroché!

Le capitaine l’avait estimé à 250 Kg.. pardon.. pour les poissons, on dit « livres ».. donc 500 livres.

Comme a dit Mo, sagace : « s’il en est arrivé là, c’est qu’il avait du chou.. savait comment faire.. ».

Voilà, il me reste des images et 40cm de gros fil de nylon limé.. écorné.. par la mâchoire du poisson.

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Quelque part je suis content.. j’aurais eu de la peine à le voir mort.. c’est si beau! Avec mon père, on relâchait le plus souvent le poisson.. ici.. non.

Oui, mon plaisir.. mon envie de gosse.. aurait été gâchée par cette image..

En fait, ce que j’aime dans la pêche, outre l’environnement, c’est l’attente.. l’incertitude.. le coeur qui bat quand le poisson lutte..

Ensuite, ça ne ne plait pas beaucoup.. pas du tout, même.

Eh oui je sais: je n’ai qu’à ne pas y aller, à la pêche..

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Mais Hemingway quand même..

d’autant plus que j’y arrive au vieil homme.. mais je ne rêve pas de lions..

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Marc

 

 

 

 

 

Publié 5 décembre 2014 par Leodamgan dans Ile Maurice, Pêche, Prose à Marc

45 réponses à “Rentrés du paradis.

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  1. waouuuuu bravo pour ces belles vacances

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  2. je savais que vous étiez là bas !!! hé ! hé !
    je reviendrai lire tout ça demain parce que là j’ai les yeux comme des oeufs brouillés Mo …
    Bise

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    • Comment le savais-tu? J’ai dû laisser échapper un indice quelque part?

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      • Parce que le week end dernier , tu m’as laissée plusieurs commentaires de là bas : plus d’une dizaine de visites de L’île Maurice étaient inscrites dans mes stats ! j’ai beau en recevoir, du Japon, de Chine, d’inde, du Mexique, du Brésil, des USA, du monde entier ( oui, oui Madame ) elles ne sont jamais si nombreuses dans la même journée …

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  3. Woww c’est génial !!

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  4. Joli récit, on a l’impression d’être à bord et de tenir la canne…

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  5. Je n’entends rien à la pêche mais ces mots m’ont touché : « ce que j’aime dans la pêche, outre l’environnement, c’est l’attente.. l’incertitude.. le coeur qui bat quand le poisson lutte.. »… et je comprends que le reste te rende triste.
    Souvenirs émus de cette belle île, la seule où je ne me suis pas sentie une « touriste » riche face à la misère, les gens sont si accueillants, amicaux, et le mélange de toutes les ethnies m’émerveille.
    Ils m’ont dit que le chômage n’existait pas chez eux, certes, il y a des pauvres mais peu de misère, du moins il me le semble.
    Merci, Marc, tu mérites bien une médaille

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    • C’est vrai que les gens sont sympathiques. Nous n’avons pas vu de signes de très grande misère, sans doute, mais la crise commence à se faire sentir chez eux, il y a moins de touristes, donc du manque à gagner. Les diverses ethnies dont tu parles se répartissent en strates économiques : tout en haut, les blancs dominent (parmi eux, les sud africains sont très mal perçus du fait de leur comportement vulgaire, raciste et m’as-tu vu), en dessous, les indiens et les asiatiques s’en sortent bien et tout en bas, les créoles. L’un de ces derniers nous à dit : « les blancs sont les chefs, les indiens les clés à molette et nous, les boulons ».
      Je transmets la médaille à Marc.
      Mo

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  6. Récit captivant , je suis contente que le poisson ait réussi à se sauver …On ne veut plus que j’accompagne les pêcheurs parce que j’implore toujours la grâce du poisson. 😉
    Les carpistes eux , mesurent , photographient leurs prises et la remettent à l’eau avec moultes précautions.

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  7. Quelles belles vacances !!! et un très bon compte rendu …
    je n’ai jamais lu le vieil homme et la mer

    mais seulement Moby Dick qui m’avait aussi drôlement émue

    ce sont des poulpes en plastiques en haut Mo ou des vrais ?
    j’aime la photo de l’oiseau dans la main

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  8. Je savais aussi que étiez là-bas… Hé, hé – vous n’avez pas pêché de requin ? Requin à queue noire, Requin dagsit ou requin gris de récif qui pullulent dans l’Océan Indien ? Mon père était pêcheur, pas moi… 😦

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  9. Fallait venir à La Réunion pour en attraper un 😉 J’espère que vous vous êtes gavés de mangues et de letchis!

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    • Tu parles d’attraper un marlin? Avec tous les requins qu’il y a chez toi… Ceci dit, pendant notre séjour, un pauvre patron de pêche mauricien a été mordu par un requin et est mort d’hémorragie.
      Oui, nous nous sommes gavés de litchis, de mangues et d’ananas!

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  10. Ca donne envie ce beau ciel bleu et ces températures paradisiaques…
    Bises. C&B

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  11. Très bien écrit. Bravo !

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  12. Si vous revenez du paradis… Vous êtes des anges alors ? Ben moi je savais pas que vous y étiez dans ce paradis. Ça m’a l’air drôlement chouette et désolée mais les récits de Marc sont toujours rondement menés… Et ce n’est pas la première fois que je l’exprime… Encore !!!!!

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  13. J’avais reculé pour la pêche au gros, car je ne peux m’exposer une journée au soleil de l’Ile Maurice. C’est mon beau-frère qui y était allé. Pour Hemingway, le prix Nobel de 1954 avait lancé en France « Le Vieil Homme et la Mer » paru en 1952 au Etats-unis, (et traduit par Jean Dutourd pour la France).

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    • C’est vrai que le soleil tape dur là-bas. Nous sommes revenus bronzés alors que nous avions l’impression de passer notre temps à nous protéger à l’ombre. Mais comme toutefois nous ne nous baignons pas tout habillés…

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  14. Vous étiez à l’île Maurice quel bonheur et vous avez mangé des letchis, des mangues et des ananas Super chouette .
    Bises

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    • Ils ont beaucoup plus goûteux et juteux fraichement cueillis que ceux qu’on importe ici.
      A notre dernier jour de pêche, un des pêcheurs nous a donné un sac de mangues de son jardin (il fait lui-même un délicieux jus de mangue avec). Ces mangues très mûres étaient délicieuses même si j’avais du mal à détacher la chair du noyau.
      Bises

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  15. J’aime bien pêcher aussi, là-bas sur mon fleuve: capitaines, rouges et même bécunes qui remontent le courant.
    Juste pour manger

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  16. C’est du no-kill qu’il lui faut à Marc 🙂

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  17. Est ce que certains (je ne dis pas tous, car il y en a de sincères) politiques, quand ils vont à la pêche aux voix ont les mêmes états d’âme que Marc ?
    J’en doute.

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  18. Belle expérience sous le soleil, bercée par Hemingway … on se fait plaisir, et on a raison 🙂

    On retaperait bien une ligne, tiens !

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  19. Magnifique récit de Marc.

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